Ce livre existe pour ce qu’il reste de nous, et peut-être, ce qu’il reste de vous

La cérémonie des diplômes qui s’est tenue le 27 juin 2025 à l’écal à Renens, a permis de distinguer de nombreux travaux de diplômes grâce à l’attribution de Bourses et de Prix. Le prix de la Fondation Sylvie Rusconi (CHF 2'000) a été décerné à Mathilde Driebold – diplômée BA Design Graphique.

"Ce livre existe pour ce qu’il reste de nous, et peut-être, ce qu’il reste de vous. Des fragments d’un passé intime qui s’inscrivent et se perdent dans un contexte social qui nous dépasse. Ce projet prend la forme d’une narration éditoriale mêlant récits personnels et archives sociales autour de la crise des opioïdes en Suisse. À travers ce travail, j’explore les traces laissées par l’addiction dans un cadre familial, en mettant en dialogue mémoire individuelle et mémoire collective.

C’est un projet né d’une histoire qui m’appartient, d’une histoire qui appartient à ma mère, mais aussi à toutes celles et ceux qui, de près ou de loin, ont été confrontés à la dépendance. Avec ce livre, j’ai cherché à ouvrir des perspectives sur un monde que l’on voit souvent à distance, à travers les médias ou les rues, sans toujours en comprendre les réalités intimes. Il m’importait de traduire la complexité de ces expériences, de rendre compte des contrastes qu’elles portent en elles : le chaos et la tendresse, le vide et l’amour, la honte et la douceur.

J’ai choisi de faire de ce projet un objet éditorial — un livre à la fois documentaire et personnel, conçu comme une archive sociale. Un objet tangible que l’on peut feuilleter à son rythme, transmettre, ouvrir, refermer, laisser reposer. Un espace pour circuler librement entre ce que l’on tait et ce que l’on montre. Cette histoire parle du passé, mais elle résonne cruellement avec notre présent. Aujourd’hui encore, je vois ces phénomènes se répéter : les substances ont changé, mais les effets sur les corps, sur les enfants, sur la société, eux, demeurent. Ce récit marginal reste récurrent — et profondément humain.

J’envisage le graphisme comme un langage capable d’interroger, de transmettre et de révéler. Un médium qui donne forme à ce qui échappe, qui rend tangible ce que l’on ne dit pas. C’est cette dimension engagée et sensible du graphisme que je souhaite continuer à explorer dans ma pratique."